2. 3 L'altération des aliments

Important

L'altération liée à l'activité des microorganismes conduit à une dépréciation des qualités organoleptiques et sanitaires de l'aliment. Elle se caractérise par une modification de la structure, de la couleur et du goût de l'aliment. On peut remarquer que ce qui constitue une altération pour certains aliments peut est recherché pour d'autres, et s'appuie sur des mécanismes identiques.

C'est le cas des aliments fermentés : en effet, la fabrication des fromages conduit à une dégradation des matières grasses et des protéines du lait, entraînant une texture et une saveur recherchées.
 
Les microorganismes se développent en surface de l'aliment ou en profondeur. L'impact sur la dégradation de l'aliment sera alors différent suivant ces deux cas :

- l'altération par le développement des microorganismes en surface :


Lorsque la surface de l'aliment est suffisamment humide pour permettre la croissance des microorganismes, on observe au bout d'un certain temps dépendant des paramètres environnementaux (température, pH, etc.) la présence d'un biofilm colonisant la surface de l'aliment, appelé limon. Si les microorganismes produisent des enzymes capables de dégrader les protéines en surface de l'aliment, il y a apparition d'odeurs désagréables, provenant du catabolisme des acides aminés. En revanche, certaines bactéries qui ne font essentiellement qu'acidifier le milieu (bactéries lactiques) sont moins néfastes.

On peut dans certains cas éliminer le limon par action mécanique : ce procédé est quelquefois utilisé en boucherie pour le traitement de surface des carcasses.

Le développement de moisissures en surface de l'aliment est en général une altération irréversible. En effet, il est quasiment impossible de détacher les filaments de mycelium d'une surface, qui est de ce fait marquée d'une couleur résiduelle persistante.

- l'altération par le développement des microorganismes en profondeur :

Ce type d'altération modifie considérablement la structure et la texture de l'aliment. En effet, elle conduit à la production de gaz et de déchirures irréversibles et extrêmement préjudiciables. Elle est fonction de l'espèce microbienne et par conséquent de son métabolisme (production de protéases capables de dégrader les protéines, production de gaz résultant de différentes voies métaboliques).

2. 3. 1 Modification de la texture et de la structure

2. 3. 1. 1 Dégradation des protéines

Les protéines alimentaires peuvent être dégradées par une succession d'enzymes produits par les microorganismes. Les protéases dégradent les protéines en plus petits fragments appelés peptides, qui peuvent eux-mêmes être dégradés en plus petits peptides ou en acides aminés libres par les peptidases. Les peptidases sont souvent spécifiques car elles reconnaissent des séquences d'acides aminés déterminées : les aminopeptidases s'attaquent au dernier acide aminé portant le groupement amine, les carboxypeptidases au dernier acide aminé portant le groupement carboxyle et les endopeptidases à une liaison spécifique à l'intérieur du peptide. La dégradation des protéines, conduit à une détérioration profonde de la structure de l'aliment.

Exemple

Ce phénomène est bien illustré lors de l'affinage poussé d'un fromage à pâte molle type camembert : la structure plâtreuse essentiellement composée des caséines et de la matière grasse du lait se liquéfie au cours du temps par l'action des protéases naturelles du lait (la plasmine), de la présure et des protéases microbiennes.

2. 3. 1. 2 Production de gaz

Certains microorganismes produisent du gaz lors de leur développement dans l'aliment, entraînant alors le gonflement de l'aliment lui-même ou de l'emballage. Les gaz produits peuvent être le gaz carbonique(CO2), l'hydrogène (H2), le sulfure d'hydrogène (SH2) et l'ammoniaque (NH3). Les voies métaboliques aboutissant à la production de ces gaz sont très nombreuses et varient suivant l'espèce microbienne et le substrat sur lequel elles se multiplient : le gaz carbonique et l'ammoniaque peuvent provenir de la décarboxylation et de la désamination des acides aminés. De tels gonflements peuvent s'observer au niveau de l'emballage (conserves altérées) ou au niveau de l'aliment lui-même (meules d'emmental déclassées en raison d'une surproduction de gaz (CO2, H2) liée à la présence de Clostridium tyrobutyricum).

La production de gaz par les microorganismes peut également être recherchée lors de la production des aliments fermentés. C'est le cas de Propionibacterium freuedenreichii qui est responsable de la formation des yeux lors de l'affinage de l'emmental, mais aussi le cas de Saccharomyces cerevisae qui produit du gaz carbonique lors de la fabrication du pain, de la bière et autres boissons fermentées.

2. 3. 1. 3 Production de polysaccharides

Les polysaccharides produits par les microorganismes lors de leur développement sont également des molécules responsables d'altérations. Ils forment en général une capsule ayant un rôle de protection de la bactérie vis à vis du milieu environnemental, des bactériophages ou des macrophages. Ces polysaccharides jouent également un rôle dans l'adhésion des microorganismes aux surfaces et dans la formation des biofilms (limon bactérien). Ils donnent à l'aliment un aspect visqueux, très fortement dépréciateur.

Exemple

On peut citer comme exemple la contamination de certaines boissons fermentées (cidre ou vin) par des leuconostoques donnant un aspect huileux au produit.

En revanche, cet aspect filant peut être recherché lors de la production de certains yaourts : des souches de lactobacilles ou de streptoccoques possédant ces caractéristiques sont alors utilisées lors de l'acidification du lait.