1. 2. 5 La température

On a l'habitude de distinguer l'effet de la température sur la croissance des microorganismes de celui sur leur survie.

1. 2. 5. 1 Effet de la température sur la croissance

On peut classer les microorganismes en fonction de leur croissance à différentes températures : les psychrophiles se développent à des températures basses, les mésophiles à des températures moyennes et les thermophiles à des températures élevées.
 
Cependant cette classification est arbitraire puisqu'il existe un continuum dans le monde bactérien quant aux capacités des microorganismes à se développer à différentes températures. En effet, certains microorganismes sont capables de se développer sur une très large plage de température, et peuvent être à la fois mésophiles et thermophiles, ou psychrophiles et mésophiles.

- microorganismes psychrotrophes et psychrophiles

Les microorganismes psychrophiles sont vraiment adaptés au froid et se multiplient à des températures assez basses puisque leur optimum de croissance se situe aux alentours de 15°C. Ils sont très couramment rencontrés dans l'eau et dans les océans Artique et Antartique.

Les psychrotrophes sont mieux connus, ils sont capables de s'adapter et de se développer aux températures proches de 0°C mais ont un optimum de 25 à 30°C, ce qui les rapproche des mésophiles. Ils sont caractérisés par un métabolisme lent, et sont peu compétitifs avec les autres germes quand la température augmente.

Figure 34 : Croissance des microorganismes psychropiles et psychrotrophes en fonction de la température

Les psychrotrophes sont dominants dans toutes les denrées réfrigérées (viandes, poissons, lait, légumes, etc.). Les principaux genres sont Pseudomonas, Alcaligenes, Erwinia, corynebacterium, Flavobacterium, lactobacillus ou Streptomyces. Les levures et moisissures sont également pour la plupart psychrotrophes.

Leur vitesse de croissance lente leur permet d'envahir les milieux alimentaires en 1 à 3 semaines, avec un temps de génération de l'ordre de 24 h à 0°C. Leur métabolisme reste très actif à ces températures, notamment grâce à la production d'hydrolases (lipases ou protéases), ce qui pose des problèmes technologiques (coagulation des protéines, modification de couleur) et organoleptiques (rancissement, flaveur et goût désagréables).

- microorganismes mésophiles

Ils se multiplient à des températures allant de 20 à 45°C avec un optimum à   environ 37°C (figure 35), où leur taux de croissance est maximal.

Figure 35 : Croissance des microorganismes mésophiles en fonction de la température

On les trouve dans les aliments conservés à température ambiante ou dans les aliments réfrigérés lorsque la chaîne du froid a été rompue. Les principaux genres et espèces bactériens sont représentés dans le groupe des mésophiles. Ce sont les espèces communes et les espèces pathogènes pour l'homme et l'animal ; ils sont pour la plupart des saprophytes naturels.

- microorganismes thermophiles

Ils sont capables de se multiplier à des températures allant de 45°C à 65°C avec un optimum à 55°C (figure 36). Les thermophiles se rencontrent dans l'eau, l'air et le sol. Ils sont surtout représentés en alimentaire dans les genres bactériens Bacillus et Clostridium et par les moisissures Aspergillus, Cladosporium ou Thermidium (Hochstein, 1976).

Parmi les thermophiles, on distingue les germes dits thermotrophes qui sont des mésophiles susceptibles de se développer à des températures élevées. On peut donner l'exemple des bactéries lactiques telles que Streptococcus thermophilus ou Lactobacillus bulgaricus qui se multiplient activement à 45°C, ainsi qu'une bactérie d'origine fécale, Streptococcus faecalis, qui peut se multiplier jusqu'à 50°C.

Figure 36 : Croissance des microorganismes thermophiles en fonction de la température

Important

La température agit sur la vitesse des réactions chimiques et biochimiques. Dans les systèmes vivants, l'effet global d'une variation de température se traduit par une modification du taux de croissance et du temps de génération. Elle a aussi une action différentielle sur les voies métaboliques et provoque des changements dans la taille cellulaire, la sécrétion des toxines, de pigments ou de polysaccharides.

Les études de cinétique enzymatique in vitro montrent peu de différences au niveau de la vitesse des réactions d'oxydation des sucres entre psychrophiles et mésophiles. En revanche, il existe des différences de thermostabilité des enzymes des thermophiles et des mésophiles. La malonate-deshydrogénase de bacilles thermophiles, par exemple, est stable 120 minutes à 65°C alors que celle de B. subtilis est inactivée très rapidement à cette température.

Les protéines membranaires, les ribosomes et les flagelles sont également plus thermostables chez les thermophiles. A l'opposé, certaines enzymes de psychrophiles sont plus thermolabiles que celles des deux autres groupes, et sont inactivées aux alentours de 30°C à 35°C.

Important

La différence de thermosensibilité de certains éléments cellulaires ne permet pas d'expliquer l'ensemble des comportements des microorganismes en fonction de la température. La pérennité des phénomènes de croissance exige celle des transferts membranaires, donc l'intégrité, la structure et la fonctionnalité de la membrane cytoplasmique.

Ce domaine a été largement exploré et de nombreux travaux signalent des différences significatives dans la longueur moyenne des chaînes des acides gras des lipides membranaires, ainsi que dans des changements de la longueur de chaîne en réponse aux variations de température. Chez les psychrophiles, les acides gras des lipides membranaires contiennent une forte proportion d'insaturés, ce qui assure d'une part un point de fusion bas permettant le maintien des transferts membranaires à basse température, et d'autre part une grande thermostabilité de la membrane. Le pourcentage d'acides gras saturés est plus élevé chez les mésophiles et les thermophiles, ce qui conditionne les propriétés physiques des membranes et les propriétés biologiques afférentes.