La coloration de l’hémoglobine à la o-Dianisidine est une méthode permettant la visualisation directe des érythrocytes. Elle peut notamment être utilisée pour détecter de potentiels défauts dans l'hématopoïèse de certains animaux modèles, tels que le poisson-zèbre (Paffett-Lugassy et al., 2004) ou le xénope (Huber et al., 1998). Cela permet notamment d’étudier l’impact d’une mutation génétique sur le taux d’hémoglobine, et de mettre en évidence un défaut d'érythropoïèse aux stades embryonnaire ou larvaire le plus souvent. Après coloration à la o-Dianisidine, une couleur rouge-marron est observée révélant les érythrocytes. Il est alors possible de quantifier cette coloration, en mesurant son intensité par exemple. Cette technique est surtout utilisée en recherche.
II)Principe
La o-Dianisidine est un substrat de la peroxydase (Merck, 2010). Or, l’hémoglobine peut, en présence de H2O2, avoir une activité péroxydase (Kapralov et al., 2009), jouant alors le rôle d’une enzyme de type oxydase. L’hémoglobine catalyse alors la réaction d’oxydation de la o-Dianisidine par l’eau oxygénée (Sun et al., 2005). Cela a pour effet la formation d’un précipité de couleur rouge-marron, révélant alors les érythrocytes. Cette méthode est notamment utilisée pour révéler une érythropoïèse imparfaite, notamment dans le cas de maladies rares telles que l’anémie de Diamond-Blackfan, ou encore pour étudier l'hématopoïèse au cours du développement embryonnaire. La o-Dianisidine est capable de détecter de très faibles taux d’hémoglobine, qui ne seraient pas observables par Western blot notamment (Hubert et al., 1998).
III)Mode opératoire
L’opération de coloration peut se dérouler sur des embryons préalablement déchorionés ou des cellules sanguines. Cette technique nécessite d’immerger ces derniers dans un mélange de 2 mL de ddH2O, 500 µL de NaOAc qui sert de tampon, 100 µL d’H2O2, réactif qui réagit avec les 2 mL de colorant o-Dianisidine en oxydant celle-ci. Ce travail se fait sous hotte car la o-Dianisidine est hautement toxique. Après immersion, les cellules ou embryons sont incubés entre 15 et 45 minutes dans le noir à température ambiante. Cette durée dépend principalement du taux d’hémoglobine. Après incubation, les échantillons présentent une couleur rouge-marron. Ceux-ci subissent ensuite trois lavages à l’eau bidistillée pour enlever le surplus de colorant. La coloration est fixée avec du paraformaldéhyde. Pour finir, une deuxième série de lavages est effectuée avec du PBST (Phosphate Buffer Saline Tween), une solution saline à laquelle est ajouté un détergent (appelé Tween). Cette étape sert à enlever les résidus de paraformaldéhyde. Les échantillons ainsi colorés peuvent être conservés à 4 °C.
IV)Présentation des résultats
Une fois la coloration effectuée, les échantillons peuvent être visualisés et photographiés au microscope. Une première étude qualitative permet de visualiser la présence ou non d’érythrocytes (Figure 1) ou bien de voir un déficit en hémoglobine (Figure 2 (a)).
Figure 1 : Les cellules érythroïdes sont détectées dans la calotte animale d’embryons de xénope et traitées avec BMP-4 et des inducteurs du mésoderme. (A) Pour les expériences utilisant le plasmide BMP-4, les embryons sont injectés avec le vecteur de contrôle ou pcDNA3-BMP-4 (200 pg) et traités avec de l'activine (12 ng/mL) ou du FGF (200 ng/mL). (B) Pour les expériences utilisant la protéine BMP-4, les calottes animales sont excisées au stade 8 et dispersées dans la CMFM. La dispersion cellulaire est traitée avec BMP-4 (1 μg/mL) avec et sans activine (12 ng/mL) dans CMFM pendant 2 heures avant que les cellules ne soient lavées et autorisées à se regrouper à nouveau dans la solution de culture de coiffe contenant du calcium et du magnésium. Dans les deux expériences, les cellules de la coiffe sont cultivées jusqu'au stade de contrôle 35 et les cellules positives à la o-dianisidine sont analysées. La pointe de flèche indique une cellule érythroïde. La flèche noire indique une cellule pigmentée non érythroïde. Les panneaux de (A) ont été photographiés à un grossissement original de 20× et les panneaux de (B) ont été photographiés à un grossissement original de 10×. (Huber et al., 1998).
En plus d’une observation qualitative, il est possible de quantifier comparativement à un témoin les résultats obtenus, notamment à l’aide de logiciels tels que Fiji ImageJ. En délimitant un ROI, ou Region Of Interest, il est ainsi possible d’obtenir un ensemble de mesures d’intensité de coloration, ou encore de surface relative de coloration (Figure 2 (b) et (c)).
Figure 2 : (a) Images de larves colorées à la o-Dianisidine. (b) Mesure de l'intensité de la coloration en fonction des traitements administrés. (c) Proportion d’aire colorée. ** indique une p-value<0.01 et **** indique une p-value < 0.0001. n indique le nombre de larves. Source : rapport de stage mission.
V)Interprétation des résultats
L’étude ayant mené à la Figure 1 porte sur les effets coopératifs des facteurs de croissance impliqués dans l'induction du mésoderme hématopoïétique. La coloration à la o-Dianisidine a permis de visualiser les érythrocytes et ainsi de visualiser l'hématopoïèse en fonction de diverses conditions.
La Figure 2 présente l’effet de divers traitements sur des larves de poissons-zèbres porteurs d’une mutation sur un gène ribosomique et potentiellement atteintes de l’anémie de Diamond-Blackfan. Il est visible en (a) que les larves ont une forte concentration d’hémoglobine dans la région du cœur. Il y a bien une diminution visuelle entre le contrôle (STD sgRNA) et les larves porteuses d’une mutation avec et sans traitement. Ces résultats se confirment en observant l’intensité (b) et la surface de la coloration (c).
VI)Intérêts et limites
Le principal avantage de cette technique est la facilité avec laquelle l’hémoglobine fonctionnelle est visible. Cela représente un intérêt par rapport aux lignées transgéniques permettant de visualiser l’expression de certains gènes, mais qui ne permettent pas de s’assurer que la protéine, ici l’hémoglobine, est fonctionnelle.
Il y a cependant deux inconvénients majeurs à cette méthode. En effet, c’est un processus toxique, donc les larves ou cellules ne survivent pas à la coloration. Cela rend impossible un suivi dans le temps, notamment lorsque l’expérimentateur souhaite étudier l’effet d’une maladie, puis d’un traitement médicamenteux sur une même larve. Par ailleurs, cette technique d’étude utilise des réactifs fortement toxiques, nécessitant de grandes précautions de son expérimentateur.
VII)Références bibliographiques
Huber TL, Zhou Y, Mead PE, Zon LI. (1998). Cooperative Effects of Growth Factors Involved in the Induction of Hematopoietic Mesoderm. Blood. 92, 4128–4137
Kapralov A, Vlasova II, Feng W, Maeda A, Walson K, Tyurin VA, Huang Z, Aneja RK, Carcillo J, Bayır H, et al. (2009). Peroxidase Activity of Hemoglobin·Haptoglobin Complexes. J Biol Chem.284, 30395–30407.
Paffett-Lugassy NN, Zon LI. (2004). Analysis of Hematopoietic Development in the Zebrafish. Developmental Hematopoiesis. Humana Press, New Jersey. pp 171–198.
Sun W, Jiang H, Jiao K. (2005). Electrochemical determination of hydrogen peroxide usingo-dianisidine as substrate and hemoglobin as catalyst. J Chem Sci.117, 317–322.