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Chromatin Immunoprecipitation (ChIP)

par Lucie LECUYER, mercredi 1 avril 2015, 18:18
 

Chromatin Immunoprecipitation (ChIP)

 

1. Objectifs

 

L’immunoprécipitation de la chromatine est une méthode qui permet l’étude des protéines interagissant avec la molécule d’ADN. On obtient une représentation des interactions protéine–ADN qui ont lieu dans le noyau de la cellule vivante ou dans les tissus (in vivo).

Elle est en général utilisée pour localiser des sites de fixation de facteurs de transcription, des sites associés avec des protéines de la chromatine, ou encore avec des histones possédant des modifications post-traductionnelles spécifiques.

 

2. Principe

 

Cette technologie se base d’abord sur la préparation de complexes protéine/ADN par action du formaldéhyde sur les cellules ou tissus puis sur l’immunoprécipitation de la chromatine en utilisant des anticorps spécifiques d’une protéine d’intérêt (présumée liée à l’ADN).

 

3. Mode opératoire

 

 -          La première étape est la formation de liaisons covalentes in vivo entre les protéines et l’ADN. En général, du formaldéhyde est ajouté sur des cellules, mais l’utilisation des UV ou de bleu de méthylène est aussi pratiquée.

-          Les cellules ainsi traitées sont ensuite lysées par sonification ou utilisation d’enzymes de restriction et des petits fragments d’ADN pontés (d’environ 200 à 500 paires de bases) sont obtenus.

-          On procède ensuite à l’immunoprécipitation de la chromatine pontée pour obtenir des complexes ADN/protéine purifiés grâce à un anticorps dirigé contre la protéine étudiée. Ceci permet de sélectionner les complexes du très grand nombre des autres fragments. Il est nécessaire d’avoir des anticorps d’une excellente qualité pour que la technique fonctionne correctement.

-          L’ADN précipité est ensuite purifié par chauffage pour annuler la réticulation par le formaldéhyde et l’ADN peut être séparé des protéines. Celles-ci sont digérées par la protéinase K. On obtient ainsi une collection de fragments d'ADN d'assez courte taille et dont on sait qu'ils interagissent avec une protéine d'intérêt (celle sélectionnée par l'anticorps).

Figure 1 : Mode opératoire de la méthode ChIP (Orlando, 1997)

-          On analyse ensuite l’ADN collecté grâce à une amplification par PCR et/ou à des puces à ADN en fonction de si la région du génome ciblé est connue.

 

4.  Intérêts et limites

 

L’avantage majeur de la méthode ChIP est qu’elle s’effectue in vivo, c’est-à-dire que l’information tirée de cette expérience provient directement d’une analyse faite sur les cellules vivantes et l’immunoprécipitation permet de récupérer les protéines voulues ainsi que toutes les régions d’ADN auxquelles elles étaient liées lors du pontage initial au formaldéhyde.

Cependant, malgré son succès la technique ChIP présente aussi des limites. Tout d’abord la résolution est limitée, on ne peut pas déduire la position précise du site de fixation de la protéine sur l’ADN, on identifie seulement une région de 200-300 pd dans laquelle se trouve le site de fixation ; on montre que la protéine se fixe en amont de tel gène mais sans que l’on sache où exactement. Une autre limite de la technique est que seules les protéines pour lesquelles on dispose d’anticorps peuvent être étudiées en ChIP. De plus les anticorps ont souvent le potentiel de réagir avec d'autres protéines nucléaires, malgré leur haute spécificité. 

 

5. Présentation des résultats

 

L’étape clé de la technique de ChIP est la caractérisation de la région précise de l’ADN génomique qui fixe la protéine d’intérêt. On retrouve deux méthodes de caractérisation. La première est la technique par PCR en utilisant pour amorces des oligonucléotides correspondant aux gènes d’intérêt. Elle permet un enrichissement en séquences d’ADN reconnues par la protéine. Ainsi, la présence ou l’absence de séquence amplifiée révèle si oui ou non la protéine d’intérêt était liée à cette séquence d’ADN dans les cellules à partir desquelles la chromatine traitée au formaldéhyde a été isolée. Cependant, cette technique ne peut être utilisée que pour identifier des fragments connus et vérifier leur présence ou leur absence. On peut aussi caractériser les fragments par la technique Slot Blot.

Figure 2 : Présentation des résultats de la méthode ChIP (Kuo et Allis, 1999)

 

Quand on veut déterminer où la protéine est liée sur un génome à grande échelle, on peut utiliser une puce à ADN (Chip on chip). Dans cette approche, l’ADN total isolé de la cellule et l’ADN lié avec la protéine sont marqués chacun avec un fluorophore différent (dans la suite on parlera du fluorophore rouge pour l’ADN lié et du vert pour l’ADN total). Les deux ADN marqués sont mélangés et mis à hybrider sur la puce à ADN. C’est une approche très puissante puisqu’elle permet d’examiner simultanément tous les sites potentiels d’un génome entier sans qu’aucune connaissance préalable des sites potentiels ne soit nécessaire.

 

6. Interprétation des résultats

 

 Dans le cas de l’analyse par PCR, si la protéine est fixée à la région de l’ADN attendue, alors l’ADN correspondant sera immunoprécipité lors de la ChIP et l’amplification sera possible. Deux contrôles importants sont nécessaires à ce stade.  Le premier est d’inclure aussi deux amorces qui ciblent une autre région de l’ADN sur la laquelle la protéine étudiée est connue pour ne pas se fixer (aucune amplification ne devrait être observée ; c’est un contrôle négatif). D’autre part, on effectue une PCR sur un échantillon qui n'a pas subi une immunoprécipitation par des anticorps avec des amorces spécifiques et non spécifiques. Si les amorces PCR amplifient de la même façon leur cible, alors on devrait obtenir une amplification à peu près identique dans les deux cas. Ce contrôle permet de s’assurer que cette différence est significative d’une différence d’abondance des matrices et pas d’une différence d’efficacité entre les deux PCR. Après amplification, l’ADN est analysé par Slot Blot ou par Southern Blot.

Dans le cas de l’analyse par puce à ADN, les zones de la puce à ADN qui ont un fort signal rouge sur vert correspondent aux séquences ayant fixé la protéine. Les zones de la puce à faible signal rouge sur vert sont les régions de l’ADN qui ne fixent pas la protéine étudiée.

 

7. Références bibliographiques

 

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Gilmour, David S, and John T Lis. 1986. “RNA Polymerase II Interacts with the Promoter Region of the Noninduced hsp7O Gene in Drosophila Melanogaster Cells,” Molecular and Cellular Biology, 6 (11): 3984–89.

“Immunoprécipitation — Wikipédia.” 2014. October 12. http://fr.wikipedia.org/wiki/Immunopr%C3%A9cipitation.

Kuo, Min-Hao, and C. David Allis. 1999. “In Vivo Cross-Linking and Immunoprecipitation for Studying Dynamic Protein:DNA Associations in a Chromatin Environment,” November, Methods 19 edition, sec. 425-433.

Locker, D. 2015. “‘ChIP on Chip’ Ou Comment Suivre La Technologie Des Gènes.” Accessed March 20. http://daniel.locker.perso.sfr.fr/article%20vulgarisation/CHIPonCHIP4.pdf 

Orlando, Valerio, Helen Strutt, and Renato Paro. 1997. “Analysis of Chromatin Structure by in Vivo Formaldehyde Cross-Linking,” METHODS: A Companion to Methods in Enzymology 11 edition.

Watson, James, Tania Baker, Stephen Bell, Alexander Gann, Michael Levine, and Richard Losick. 2009a. “L’approche ChIP-Chip: La Meilleure Pour Identifier Des Enhancers.” In Biologie Moléculaire Du Gène, 6e edition. Pearson Education France.

Watson, James, Tania Baker, Stephen Bell, Alexander Gann, Michael Levine, and Richard Losick. 2009b. “L’immuno-Précipitation E La Chromatine Permet de Détecter L’association Des Protéines Avec l’ADN Dans La Cellule.” In Biologie Moléculaire Du Gène, 6e edition. Pearson Education France.

 

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