La Capture de Conformation Chromosomique (3C) est une technique décrite pour la première fois par Job Dekker et ses collègues en 2002, qui permet l’étude de la structure 3D de la chromatine. Elle fournit des informations sur la structure 3D et les interactions des chromosomes in vivo à une échelle de quelques dizaines à quelques centaines de paires de kilobases (Vernet, 2013).
Elle a pour but d’étudier l’organisation spatiale du génome, paramètre de contrôle de l’expression des gènes ainsi que sa dynamique au cours de différents processus biologiques tels que le cycle cellulaire, la mitose, la méiose…
II) Principe
Cette méthode permet la détection des interactions chromosomiques, c’est-à-dire des contacts physiques directs ou indirects (médiés par des complexes ribonucléoprotéiques) entre une séquence cible et un ensemble de séquences prédites ou connues pour interagir avec la cible. Elle est applicable sur des populations cellulaires de nombreux organismes, allant des bactéries à l’Homme.
III) Mode opératoire
La méthode 3C nécessite deux étapes principales: la génération de produits de ligation et leur détection (Fig.1).
Dans la première étape, les cellules sont fixées au formaldéhyde, les noyaux sont isolés, et les segments de chromatine spatialement proches sont réticulés de manière covalente au niveau d’un cross-link. Il peut s’agir de liaisons intra-chromosomiques ou inter-chromosomiques (Umlauf, 2015).
Les fragments de chromatine à analyser sont ensuite coupés par des enzymes de restriction spécifiques, et subissent une ligation de manière à rabouter ensemble les portions de chromatine reliées par le cross-link. Puis, les produits de ligation sont purifiés.
La deuxième étape consiste en une PCR (Hagège et al, 2007). Pour la méthode 3C, une vérification des interactions entre une séquence cible précise et des séquences prédites ou connues est réalisée. Grâce à cela, une PCR est conçue en choisissant les amorces spécifiques correspondantes (Gerosa, 2012).
Deux types de PCR sont utilisés : la PCR semi-quantitative qui se base sur une électrophorèse sur gel, ou la PCR quantitative en ayant recours à des amorces fluorescentes.
Figure 1:
Étapes de la méthode Capture de Conformation Chromosomique (Moindrot, 2012).
IV) Présentation des résultats
L’analyse de la PCR repose sur l’étude de l’intensité des bandes des amplicons qui reflète directement l’abondance du produit de ligation, et donc la proximité des deux segments de chromatine dans le noyau ou le cytoplasme.
Figure 2 : Révélation de la PCR (Dekker et al,
2002).
Pour s’assurer de la pertinence des résultats, un contrôle est réalisé dans lequel est construit un chromosome bactérien contenant les séquences d’ADN des produits de ligation supposés (Fig.2). L’amplification par PCR permet d’analyser les cross-links (Hagège et al, 2007). Cela permet de s’assurer que les signaux obtenus ne sont pas dus à des problèmes liés à la technique : non amplification d’un fragment lors de la PCR dû à un mauvais choix d’amorce, par exemple, ou à une trop faible quantité d’ADN introduite.
Sur ces graphiques, les interactions du fragment 6 (fragment cible) avec les fragments 5 et 13 sont étudiées.
Seul le produit de ligation associant les fragments 5 et 6 est amplifié, alors que ce fragment est amplifié dans le contrôle. Même si le traitement statistique n’est ici pas présent, il semblerait que ces fragments de chromatine 5 et 6 interagissent au sein du noyau contrairement à 6 et 13.
V) Interprétation des résultats
Les premiers résultats de l’utilisation de la méthode obtenus par l’équipe de Dekker sont présentés ci dessous :
Figure 3, 4 : Tableau des interactions de la chromatine (Dekker et al, 2002), Représentation 3D du chromosome III de S.cerevisiae(Dekker et al, 2002).
Le tableau (Fig.3) présente les distances, en nm, entre les différents segments de chromatine. La proximité des segments est illustrée par des cases de couleurs. L’intensité est d’autant plus élevée que les segments sont proches.
La diagonale descendante (de gauche à droite) montre que la distance des fragments successifs est faible : elle illustre le fait que plus deux segments sont proches en nombre de paires de bases sur le chromosome, plus elles sont proches spatialement. La diagonale ascendante révèle la proximité de fragments non successifs, mais qui sont proches spatialement : cela est interprété par la formation de boucles et repliements de la chromatine. La représentation 3D de la chromatine (Fig.4) permet une visualisation claire de la conformation de la chromatine. Il s’agit ici du chromosome III de la levure du boulanger Saccharomyces cerevisiae, obtenu en moyennant les conformations recueillies sur une population de levures.
VI) Intérêts et limites
L’avantage majeur de la méthode 3C est qu’elle récupère l’information de conformation de la chromatine in vivo, c’est-à-dire que les produits d’analyses obtenus proviennent directement des cellules vivantes.
De plus, elle assure l’obtention de cartes d’organisation spatiale de la chromatine. Elle renseigne ainsi sur les éventuels réarrangements du génome, sans avoir besoin de réaliser un fractionnement cellulaire ou de chromatine.
La préparation de l’expérience requiert néanmoins un travail laborieux et chronophage. Il s’agit de la partie critique de la procédure, puisque la résolution et la sensibilité de la technique dépendent en grande partie de sa conception expérimentale.
De nouvelles techniques basées sur la 3C ont émergé, chacune ayant des particularités et des applications différentes : La Capture de Conformation Chromosomique Circulaire (4C) est la suite de la méthode 3C. Elle permet de déterminer la nature des séquences en interaction avec une région chromosomique précise, sans présumer de leur identité alors que la méthode 3C consistait à vérifier des interactions prédites ou connues.
Enfin, la Capture de la Conformation Chromosomique en Copie de Carbone (5C), permet quant à elle, d’étudier le génome entier (Umlauf, 2015). Par ailleurs, il existe des variantes de la méthode 3C qui sont les méthodes 3C Hi-C et 3C ChiA-PET.